mercredi 3 février 2010

(fragments)






que de moissons évanouies, au milieu du sable ;
toujours autant de sentiers affamés au sein de l'oubliée,
tandis que résiste la terre promise ;
sème l'humanité au creux de ta main



3.
gestes lents, corps noueux, bleu, la main prolonge la ligne s'enfonçant dans le sol, traces et signes dans la dune, elle domine, la dune, elle surplombe la chaleur suffocante et se couche à plat ventre face à l'horizon, assommée de lumière. Un souffle, par rafale, soulève l'air rouillé, brise le regard vers la crête - une autre ligne qui propose un duel - le vieil homme (peut-être fut-il sourcier, chercheur d'or ou simplement le bassin versant du désert) écrit tel que son père avant lui, écriture soudaine au coeur du minéral ; dans l'orange du sable, un autre mot jaillit (aman/iman, un pluriel de sens) ; et nous lisions dans la dune, et le soir tombait, et nous avions gagné la fraîcheur de la pierre, emmurés par les prémices du reg, relief brûlé, fut-il four, fournaise, monstre oxydé geignant, étouffé maintenant. Entre les parois, sur la terre, la poussière, nous nous allongeons dans le lit antique d'une rivière asséchée sur la langue, harassés, secs, la tête à même la roche avec gravée au dedans l'empreinte d'une fougère, souvenir luxuriant, miraculeux. Je me souviens que là-bas, derrière la dune qui longe la falaise, une autre dune se penche, je me souviens qu'en filigrane la caravane passe et s'évanouit la parole de l'imuhar ; souviens-toi que le hajj est sorti du désert ; nous écoutons attentivement le frottement du vent sur la pierre, une grande carcasse brinquebalant une cohorte de peuples à la recherche du sel sur la langue, guidée par une piste bornée de pierres muettes



derrière le miroir,
je n'ai pas trouvé l'envers du décors,
juste une opinion différente du monde :
ne serait-ce que la cécité jamais repliée de la bouche



et nous marchions face aux bordures du soleil - où s'effacer



si sombre encore le désert, épines au front, tu as le visage baigné de sang, même tes mains parcheminées se refusent aux saillies de ta présence - tu creuses l'horizon de tes bénédictions



marchons, cheminons, comme gravir pas à pas les débords et toute cette lumière qui brûle l'oeil entame le sentier ; nous sommes pierres pourtant et tutoyons à haute voix l'insoumis



aphone je n'ai pas le courage de faire un soliloque,
un discours pour les sourds ;
est-ce une seule goutte qui s'évapore entre les pages ensilicées,
c'est un jeûne rongé de mots épars, un monolithe de plomb



2.
en marchant dans le lit asséché des classiques, la bouche drapée d'un calfeutre et rejoignant l'exode d'un peuple irradiée par l'apocalypse, les pas brûlés par le soleil, avec à perte de vue les vagues antiques d'une tempête fossilisée, nous sommes désormais un élément liquide dans la gueule béante du désert, à la recherche de l'eau dans la langue dépoussiérée de l'imuhar, après qu'elle fut transpirée



tout ce corps est plus que du calcaire,
il est un oeil épié, bousculé par un trou dans le regard



la porte pour le hajj, l'odeur primitive du sol, chaleur suffocante, encore, sous tes pas. Les minarets se lamentent (allah akbar hurle un haut-parleur). Troupeau d'abord surgi de la poussière, ils se ramassent autour de la mosquée, blanche, éblouissante.
Après, ils entrent en communion, tous, soudain infirmes, et je les aime quand l'air se gonfle de leur prière, je m'abandonne dans leurs territoires, leurs déserts ; tous, échoués et insulaires, avec le vertige de l'oeil, je les aime



tu brûles une page au seuil des caresses tifinâgh,
tu glisses les cendres de ton livre dans le cortège de ceux
qui passèrent ici avant toi



toulouse, novembre-décembre 2004
révision janvier 2010





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